Plus qu’un phénomène de mode ou d’époque, dans la Tunisie profonde, le développement durable est une nécessité.
Le modèle actuel
n’est pas durable…
Lorsqu’un des
village des « régions de l’ombre » est enfin raccordé au réseau de la STEG, c’est
la grande joie des pauvres habitants ! Une joie qui s’estompe dès l’arrivée de
la première facture car ils réalisent que la STEG, au lieu de les enrichir,
participe à leur appauvrissement.
Le même scénario se
produit lors de l’ouverture d’une usine ou lors de l’inauguration d’un projet
touristique à côté d’un village de la Tunisie profonde : la joie laisse
place à l’amertume lorsque les investisseurs plient bagage et partent où la
main d’œuvre est moins chère ou lorsque les touristes, pour une raison pour une
autre fuient le village comme on fuit la peste.
... parce que
c’est un modèle de dépendance
Ces scénarios sont
le fruit d’un même modèle de développement, celui qui permet et encourage la
dépendance des habitants de ces régions par rapport aux grandes structures
(projets touristiques, usines, Etat). L’alternative ne serait-elle pas de
développer de petits projets locaux qui visent, au contraire, à augmenter
l’autonomie des habitants de ces régions ?
La solution
réside dans l’autonomie
Quand on parle
d’autonomie, plusieurs points sont à considérer. Ici, je vais me restreindre à l’autonomie
énergénique, l’autonomie en eau, l’autonomie en nourriture et l’autonomie
financière.
L'autonomie énergétique pourrait
se faire par la construction de maisons peu énergivores et par l’exploitation
de l'énergie solaire et éolienne. La parabole solaire pour la cuisson des
aliments ainsi que le four solaire sont des exemples de technologie gratuite qui
pourraient avoir un grand impact sur la consommation énergétique et les conditions
de vie des habitants des régions reculées.
L’autonomie en eau
se ferait en installant des réservoirs d’eau de pluie ou en creusant des puits.
Il faudrait aussi considérer l’installation de systèmes de potabilisation de
l’eau et de systèmes de recyclage des eaux grises.
Quant à l’autonomie en nourriture, elle pourrait se faire par des
élevages à petite échelle et par l’agriculture locale en utilisant des
techniques de permaculture. Pour ceux qui ne connaissent pas la permaculture,
il s’agit d’un ensemble de pratiques qui visent à créer une production agricole
soutenable, très économe en énergie et respectueuse des êtres vivants et de
leurs relations réciproques.
En ce qui concerne
l’autonomie financière, des AGR (Activités Génératrices de Revenu) pourraient
être créées en relation avec l’agriculture (par exemple en développant des
coopératives d’agriculture biologique), avec les produits de terroir ou encore
avec l’artisanat… Les idées varient en fonction des régions et des compétences.
L’objectif est d’assurer aux familles un revenu qui sera dépensé pour autre
chose que la nourriture et les factures d’eau et d’énergie, vu qu’elles auront
atteint l’autonomie dans ces trois domaines.
Plusieurs outils/technologies peuvent aider à réaliser ce projet. J’ai
cité la parabole solaire, le four solaire et la permaculture, mais d’autres
outils/technologies existent. Il y en même qui sont open source ! Je parle
d’inventions qui ont été conçues et prototypées lors du POC21, un espace
partagé de fabrication qui s'est déroulé en France entre Aout et Septembre 2015
[1]. Parmi ces outils: Une éolienne en kit à moins de 20 euros, une douche qui
recycle l’eau en boucle et en temps réel, un tracteur à pédales, un filtre
antibactérien qui rend l’eau potable, une serre de permaculture clé en main, des
outils pour la conservation des aliments sans énergie, etc.
La synthèse
Pour résumer, je
dirai que la Tunisie profonde a plus besoin de petits projets locaux qui
développent l’autonomie des habitants que de grands investissements qui
augmentent leur dépendance vis-à-vis du tourisme, de l’industrie ou même de
l’Etat. Ce qu’il faudrait, c’est un modèle de développement qui prend en compte
les ressources et les richesses disponibles localement et qui optimise leur
exploitation dans la durée. D’abord pour permettre aux familles de devenir
autonomes, ensuite en élargissant le cercle de l’autonomie aux villages et aux
réseaux de villages, dans une dynamique vertueuse qui est le cœur même du développement durable et qui est capable de transformer la vie de milliers de
gens à travers tout le pays.
La question qu’on
peut se poser est : Qui va réliaser tout cela ? Je pense que c’est
une responsabilité collective. L’Etat a certainement un rôle à jouer, mais
aussi les entreprises (notamment les entreprises sociales), les media, la
société civile et les simples citoyens. Personnellment, je viens de créer une
association dont l’objectif est l’autonomisation des habitants des régions
pauvres. Je suis conscient qu’il s’agit d’un projet d’une grande envergure et que
j’aurai besoin d’un réseau important de compétences. J’invite donc tous ceux
qui veulent y participer à adhérer en visitant le site de l'association : www.associationbadr.com
J’espère qu’en
conjugant nos efforts, ce projet prendra forme et aidera à faire du
développement durable une réalité dans les endroits reculés de la Tunisie.
Walid BEN ROMDHANE